(Vieux de plus de 60, 65 ans, surgissent au coin d’une photo retrouvée, ces quelques
souvenirs…)
( E 6 Sur la liste des rues du plan de Ph/ville de
1957 ; http://marcelpaul.duclos.free.fr/im_plans_ville/noms_rues.htm
Sortir de la Caserne Mangin,
quartier du 15ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais, passer devant
le poste de Garde, jeter un œil à la sentinelle dans sa guérite …
Le 15 RTS * créé le l4 avril 1919, devenu le 75 RIMA en
1958, dissous le 30 septembre 1962,
s’était illustré sous le drapeau tricolore. Dans les années 40, chaque dimanche un détachement
traversait la ville, fanfare en tête pour aller donner une aubade place de
la Marine ( place
Marqué )
L’allée centrale de la caserne, bordée à gauche des
écuries puis d’un corps de bâtiment qui laisse apparaître le haut de la
maison du colon, coupe la rue
Clémenceau et se prolonge rue Gourgas. Au loin sur la colline, la mosquée
Sidi Ali Dib.
Traverser la rue Théophile Reguis d’un pas…. Le café, le coiffeur Volpé, l’épicerie, la librairie Portelli sous les arcades à droite, la maison du colon à gauche. Traverser la rue Clémenceau , continuer en face dans la rue Gourgas , couler un regard vers la gauche sous les arcades vers la vitrine du Cycliste Redon, à droite, les réserves d’un grossiste en alimentation, un patron-chauffeur de taxi ,le coiffeur Desangélis, le boulanger Lazare, un bistrot... Couper la rue Galbois renifler les effluves du maréchal-ferrant Chabiran , longer la maison Duplessis puis arriver à la limonaderie Philippevilloise , 8 rue Gourgas qui fait face à la forge Bottone, ( n° 7 ). Couper plus loin la rue de Constantine, grimper les escaliers qui mènent vers la Mosquée Sidi Ali Dib, après avoir coupé les rues valée et du Sphinx..
La rue Gourgas, longue de quelques centaines de mètres, a été le théâtre de mes jeunes années que mon Oncle Julien emplit de son image. Un jour, alors qu’il venait de dételer Bijou et Diamant, les deux chevaux de la voiture de livraison, il m’installe en croupe sur l’un d’eux et d’une tape lance la bête d’un pas paisible vers son écurie. Au coin de la rue, le cheval tourne à droite ( dans la rue de Constantine ) me faisant parader devant les clients d’un café maure et de quelques malheureux affalés sur les trottoirs, s’engage sous un porche, pénètre dans une arène d’écuries surmontée d’une haute façade percée de petites fenêtres.La laideur du lieu et l’odeur de fumier laissent présager de la pauvreté des habitations. ‘Moussa’, le mouton attend l’arrivée des chevaux qui, dès leur entrée dans le box, se régalent de fourrage et de caroubes séchées.
La Forge Bottone, profonde et sombre, s’illuminait d’éclairs. Les arcs électriques projetaient sur les murs des ombres fantastiques où se mouvaient les hommes. Le soir, une calèche attendait les membres de cette famille pour les raccompagner vers leur maison de Stora.
Mais le souvenir le plus extraordinaire fut sans aucun doute cette nuit de guerre pendant la période des bombardements de l’hiver1942.
Un soir d’alerte, on descendit aux abris sous la Maison du Colon proche de chez nous.. C’était un haut bâtiment imposant, de plusieurs étages. Le sous-sol où était installée la chaudière offrait aux habitants du voisinage un abri sécurisant dans un
Façade Sud de la maison du Colon. On aperçoit l’entrée,
des services agricoles situés au 1er étage, et des habitants de
l’immeuble. Par là aussi on descendait s’abriter dans la cave pendant les
bombardements. C’est vers la façade Nord ; rue Gourgas que la bombe
échoua dans un garage sur une
Torpédo sans exploser.
environnement de
poutres et de piliers. Un soir, aux hurlements de la sirène, chacun s’était
réfugié là, à sa place habituelle. Une vieille dame en habit traditionnel juif,
long châle à franges, très coloré, chapeau pointu sur le côté. Il flottait
autour d’elle un parfum à la fois de fleurs, de cuisine et de pâtisserie qui, à
un autre moment, aurait attisé ma gourmandise
Mais elle ne cessait de
grelotter contre ma cuisse. Serrés les uns contre les autres, nous écoutions
dans la plus grande inquiétude les explosions sourdes mêlées à des grondements
indéfinis.
Tout à coup, on entendit, tout proche un écroulement de maçonnerie. Une minute d’angoisse et on vit apparaître dans la descente d’escalier un homme précédé d’un épais nuage de poussière jaunâtre. « Il faut évacuer l’abri. tout de suite Ce n’est pas grave ! On va aller au garage Ruopoli. » ( nom approximatif ) C’était dans le quartier juste derrière la limonaderie. ( angle des rues Gourgas et Constantine ) Mais mon père décida : « Si la bombe éclate, on est foutus. Allons au Théâtre ! »… Non pas pour voir, écouter la Bohème ou la Tosca ! (programme de l’époque ) mais pour rejoindre l’abri à l’autre bout de la ville sous les voûtes romaines du sous-sol du théâtre où se rassemblait le reste de la famille. Après un parcours de pilier en pilier le long des arcades, rythmé par les explosions zébrées d’éclairs, nous fîmes une entrée remarquée parmi les gens à demi endormis enveloppés dans des couvertures, couchés à même le sol…. Plus tard, on raconta que la bombe de 100 kg qui n’avait pas explosé portait dans son percuteur saboté un message de résistants yougoslaves.
La limonaderie philippevilloise fut créée par Augustin Caciotolo ( orthographe retenue par la coutume locale ) dans les années1920.
C’était une entreprise familiale avec quelques salariés, principalement en haute saison
.Le père, ses fils, quelques ouvriers, posent fièrement
dans le coin fabrication encore manuelle à cette époque. Au fond, sous la
sous-pente chargée de sacs de sucre, la machine à brasser l’eau gazeuse.
Elle était l’objet de tous les soins, ses cuivres brillaient de mille feux,
sa grande roue peinte dans différents tons de vert et ses têtes de boulon
en rouge.
Attelage de livraison des
premières années. Plus tard, ‘Bijou’ et Diamant’ connurent tous les enfants de la famille en les portant
sur leur croupe jusqu’à l’écurie voisine.
‘’ La consommation de boissons gazeuses diminuait à la saison des pastèques’’ disait-on. L’entreprise se maintint et se modernisa au fil du temps malgré les péripéties de la deuxième guerre mondiale, réquisition des véhicules, absence des fils mobilisés, maintien de la fabrication par une des filles…Les extraits d’orange, de citron venaient d’Alger, les autres, de pommes, caramel… des distilleries de Grasse
Gilbert Féola avait peint un magnifique panneau publicitaire sur la façade
Les différentes appellations et marques commerciales furent successivement ‘Limonaderie A.Caciotolo’ ;‘ Mousseline’ ;’Cécilia’ ; limonade, ( familièrement : ‘gazouse’) ; ’ les billes’, les ‘grosses’ selon la taille ; ‘Limonaderie Philippevilloise’ ; Slim ( citron ), ‘Crush’ ( orange )
L’éventail de la clientèle allait des brasseries autour
de la place Marqué, aux cafés et épiceries des différents quartiers et
jusqu’à Stora à ‘’la Voûte Romaine’’, Miramar… et la piscine de Jeanne
d’Arc. Le développement moderne des dernières années fut de courte durée.
Je n’ai pas su séparer entièrement ma petite histoire de celle de la ville. Peut-être est-ce que je la porte encore en moi, comme nous tous, sûrement. Aussi ne m’en ferez-vous pas grief. 21/05/2007 : Claude Cacciutolo - Pour lui écrire : Cliquez
* http://www.15emerts.com/les
africains.htm
Les photos de la caserne Mangin sont extraites du blog
de Gérard Di Costanzo ( ecolerusicade )